second homes

from April to June 2009

Aurélie Godard & Chloé Dugit-Gros

Aurélie Godard

“Étrange univers que celui d’Aurélie Godard, où se croisent paysages lunaires et décors de western, ruines antiques et plages californiennes. En 2005, une cimaise de l’École des Beaux Arts de Paris était percutée par une météorite. Cette fois-ci, trois planches de surf fichées dans le sol de la galerie arborent des morsures de requins. De Deep Impact aux Dents de la mer, Aurélie Godard décline une démarche résolument éclectique, à la fois formelle et narrative. Une conception éminemment singulière de la sculpture, où la surface et le volume entretiennent des relations complexes, où le geste de mise en forme, précis et volontaire, est toujours contredit par le hasard ou l’accident – et vice versa. (…)

Endossant le rôle d’un shaper, ces fabricants de planches de surf handmade, l’artiste façonne trois formes ergonomiques et aérodynamiques à partir d’un pain de mousse de polyuréthane. A la manière d’un John McCracken, elle polit ses sculptures à la main, méticuleusement, jusqu’à obtenir un fini industriel. Mais ici la forme lisse et minimale est ruinée par un événement improbable : l’empreinte d’une mâchoire de requin qui vient altérer l’ovale parfait et le démystifier en révélant le processus de fabrication (la faille laisse apparaître une succession de couches de contreplaqué, de mousse bleu ciel et de résine transparente).
Une série de dessins au feutre représente des gouttes de peinture écrasées sur le sol de l’atelier. Sorte de dripping involontaire, ces taches sont ici « reprises en main » par l’artiste qui les inventorie, les décalque, les classe par taille et par catégorie.
Se constitue ainsi une collection de petits îlots nés d’une conjoncture unique entre la matière, le mouvement et la vitesse de la chute… A tout cet univers liquide et instable répondent Les formes vagues, un dessin mural circulaire. Opérant un zoom (comme un carottage) sur une carte marine du XVIIe siècle, elle agrandit à l’échelle du mur un morceau d’océan, all over de vaguelettes gravées à la plume dans plusieurs couches de peinture monochrome.

En procédant par stratification – de matériaux, de références et de distances divers – Aurélie Godard multiplie les points de vue et les axes de lecture. L’objet, aussi minimal soit-il, vient toujours raconter une histoire, renvoyer à un évènement dont on ne sait pas s’il a vraiment eu lieu. Dans ces fictions d’espaces, il est souvent question de trous, de traces, de reflets avec lesquels l’artiste creuse l’espace existant (les œuvres ici s’absorbent dans les murs ou dans le sol) et matérialise des passages vers un ailleurs qui cohabite sans peine avec l’ici et maintenant sous l’effet de compressions spatio-temporelles. De la vue d’ensemble au gros plan, le spectateur se voit obligé d’ajuster son point de vue en permanence. Entre le point de départ de l’œuvre et sa surface de projection, le très loin et le très proche, l’artiste fait exister un espace invisible où il n’y a pas de juste position. Et où l’on comprend que la trajectoire de la météorite importe autant que son point d’impact.”
Julie Pellegrin

Chloé Dugit-Gros

La presse, les cartes postales, le cinéma, l’archéologie, les emballages, la bande dessinée, les aménagements urbains, les catalogues de VPC fabriquent les images que ciblent et révèlent les installations présentées. Celles-ci peuvent être imposantes ou légères, durables ou éphémères, bricolées ou construites mais sont toujours réalisées avec la plus grande économie de moyens.

Le travail est souvent pensé en fonction de l’espace d’exposition. L’histoire du lieu, l’architecture, la volumétrie sont aussi des points de départ pour la réalisation de mise en scènes sur mesure. La notion de décor est importante dans les questionnements suivants :
– Comment les images traversent le temps ?
– Comment se modifient-elles ?
– Comment s’en souvient-on ?
– Comment se régénèrent-elles ?

Chaque pièce est un support, un nouveau cadre construit autour d’une image. Le jeu avec les formes de la modernité crée parfois des associations incongrues et humoristiques.