EXPOSITION
DU 10 AVR. AU 22 JUIN 2002

Animagus

LAURENT DUTHION, ROBERT F.HAMMERSTIEL, LATIFA LAÂBISSI, CÉCILE LE TALEC ET THOMAS MONIN

 

Contrepoint à l’exposition « Intime Nature » proposée au Centre d’Art à l’automne 2001, « Animagus », projet réunissant 5 artistes pour une résidence et une exposition aborde le rapport de l’homme à la nature d’un point de vue plus physique, plus corporel. Chacun des artistes invités s’interrogea sur la part animale qui subsiste en nous : où est-elle, comment la réactiver ? En quoi peut-elle être un appui pour vivre aujourd’hui dans notre civilisation ultra sophistiquée ? Ou bien, à l’inverse, quelle part d’humanité y a-t-il chez l’animal, pris souvent comme symbole ou métaphore dans la mythologie ou les religions, mais aussi déformé aujourd’hui par des comportements et des objets qui contribuent à lui ôter son animalité et à le rapprocher des apparences humaines ?

Laurent Duthion crée des objets-outils pour modifier ou enrichir notre perception, qu’elle soit olfactive, auditive, visuelle, tactile, outils qui sont conçus pour exciter certaines parties de notre cerveau, peu stimulées habituellement. Pour cela, il étudie de manière approfondie les recherches scientifiques dans ces domaines, rencontre les chercheurs et met au point ses objets après une longue période d’étude et de préparation. Les homo olfactus sont des masques olfactifs en élastomère chirurgical qui trouble ou occulte la vue pour aiguiser l’odorat et nous permet d’accéder de façon privilégiée à la zone cérébrale dite du rhinencéphale, vestige de notre cerveau reptilien et seuil hypothétique de la mémoire génétique. Dans l’exposition, deux types d’homo olfactus sont à la disposition du public : l’homo olfactus « simple » et l’homo olfactus « narcissique », pourvu d’une trompe beaucoup plus longue, destiné à sentir différentes parties de son propre corps. Balle est un ensemble d’objets en élastomère moulés dans des coquilles d’œufs de différents volatiles : cailles, émeus, oies, poules, des objets hybrides nés d’un croisement entre une technologie très contemporaine et un processus génétique animal.

Thomas Monin aborde la relation homme/animal à travers une nouvelle lecture des mythes fondateurs de notre civilisation (le cheval de Troie, le Minotaure…) et du rôle historique des animaux dans différentes cultures. Il utilise la taxidermie, l’assemblage d’éléments animaux et/ou végétaux, enfin, l’animal vivant lui –même, pour des sculptures destinée à réactive notre conscience à la fois culturelle et génétique. Trois œuvres réalisées pendant la résidence étaient présentées dans l’exposition : une sculpture, Taxis, constituée de deux pièces en taxidermie : suspendue au plafond, le corps d’un cheval sous la peau duquel la forme d’un cavalier semble faire partie intégrante de l’animal ; au sol, un dalmatien est plongé dans un face à face par une forme humaine couverte de la même peau, tandis que les deux têtes se confondent. Une étendue de la mémoire est une langue énorme surgissant du mur, couverte de coquillages et de cornes d’animaux. Dédale électrique, installation en extérieur dans une prairie à proximité du parc est un labyrinthe en clôture électrique qui délimite le territoire d’un couple de taureaux. Le visiteur peut pénétrer dans le labyrinthe et s’approcher des animaux.

Cécile Le Talec crée des installations interactives et sonores qui intègrent la présence du spectateur, convié à vivre des situations particulières. Dans le centre d’art, l’installation Chut… l’invite à pénétrer par deux dans le domaine d’un couple de perruches qui évoluait dans une projection vidéo. Un perchoir pour humain est installé devant l’écran de plumes et permet d’expérimenter la posture des oiseaux et leur relation à l’équilibre et à l’apesanteur. Dans le parc, La maison des(v)oi(x)es installée près du Pavillon des Sources était un enclos pour quatre oies blanches dans lequel étaient installées deux cabanes. Les déplacements des oies déclenchaient des bandes sonores.
En introduction à l’exposition, Cécile le Talec réalise une vidéo qui présente des témoignages d’expériences et d’anecdotes vécues avec des animaux. Une œuvre murale faisait l’inventaire des verbes qui désignent les cris ou les chants d’oiseaux.

Rober F. Hammerstiel photographie avec beaucoup de rigueur et une apparente objectivité des objets manufacturés, souvent des jouets ou décors destinés au bien-être des animaux familiers. Son installation est ici composée de deux parties : la vidéo Espace intime montre un hamster seul dans un espace vide, correspondant à l’écran d’un téléviseur. L’animal cherche désespérément à s’échapper de cet espace clos et nu.

Sous le titre Oasis, trois photographies présentaient de manière frontale des cages pour hamster aux appellations des plus suggestives : « Private Palace Home » ; « Parc Avenue Complex » ; « Country Club House », semblables à des jeux pour enfants ou à des attractions de loisir. L’animal était pris au piège des désirs et des aspirations humaines.

Latifa Laâbissi est danseuse et chorégraphe. Elle propose un solo I Love Like Animals qui a été présenté une fois le 4 mai 2002 puis a été présent ou la forme d’un vidéo réalisée par Mathieu Kavirchine pour la suite de l’exposition. Par des postures, des gestes, de mouvements, Latifa Laâbissi explore la dimension plastique du corps qui échappe à toute expression, le corps pris comme matériau, débarrassé de toute intention. La performance chorégraphique sera interprétée le 4 mai 2002 par Jennifer Lacey.