EXPOSITION
DU 09 JANV. AU 17 AVR. 2005

La perspective du cavalier

LARA ALMARCEGUI, LILIAN BOURGEAT, JORDI COLOMER, KOENRAAD DEDOBBELEER, PETER DOWNSBROUGH, PETER GARFIELD, DIDIER MARCEL ET SARAH MORRIS

Sous le titre « La perspective du cavalier », l’exposition regroupe un ensemble d’œuvres de la collection du Fonds régional d’art contemporain de Bourgogne. Vidéo, sculpture, installation, photographie organisent dans l’exposition des représentations de l’espace urbain dans un ensemble de point de vue, ouvrant depuis le centre d’art des perspectives sur le Parc Saint-Léger. Cette traversée entre ville et paysage se déroule comme un long travelling cinématographique dans lequel ces différentes images de la ville montrent son espace, la manière de la regarder, de la parcourir, de la vivre.

Le Parc Saint Léger Centre d’Art contemporain a conçu avec le Fonds régional d’art contemporain Bourgogne une exposition à partir des œuvres de sa collection. Le choix s’est porté sur des œuvres qui représentent l’espace de la ville, selon des perspectives singulières et avec des moyens très différents. La ville, selon cette exposition, se caractérise tout d’abord par le mouvement. C’est un espace que l’on traverse, un défilé d’images et de points de vue sur la ville contemporaine.

L’exposition s’ouvre sur la photographie de Peter Garfield, Mobile Home (Hartbinger) (1999). Un pavillon sans caractère particulier, symbole de l’accès à la propriété, de la stabilité, semble menacé par le projectile. L’œuvre manifeste par son titre (Hartbinger signifie précurseur) ce signe avant-coureur qui semble menacer les résidences tranquilles. La présence d’événements destructeurs dans un cours paisible est un élément clé des photographies de cet artiste qui dit critiquer les représentations du bonheur associées à l’architecture pavillonnaire et refléter l’angoisse contemporaine. Dans le volume central du centre d’art, une pièce supplémentaire a été construite afin de projeter l’œuvre de Jordi Colomer Anarchitekton. Il s’agit de quatre vidéos tournées à Barcelone (2002), Bucarest (2003), Brasilia (2003) et Osaka (2004) dans lesquelles un même personnage brandit une maquette d’une construction de chacune des villes. Hommage ou dénonciation, le mystère reste entier à regarder cet homme déambuler dans ces quatre cités si différentes. Pourtant cette course sans fin déplace le regard sur l’espace urbain, pénétré d’une situation étrange, qui le fait basculer dans la fiction, ce que souligne le rouge théâtral des murs de la salle de projection et le choix des chaises.
L’œuvre Erhewon (2000) de l’artiste Koenraad Dedobbeleer suscite également le trouble par le déplacement dans l’exposition de quatre lampadaires. Les tubes roses fluorescents semblent juste s’allumer ou s’éteindre laissant le temps comme suspendu. Les lampadaires ont perdu leur fonction, serrés comme si ils étaient en conversation, et basculent dans l’absurde. Cette scène déserte (le titre est l’anagramme de nowhere, nulle part) est traversée par Travelling (2000) de Lilian Bourgeat, une caméra fixé à hauteur d’yeux qui se déplace sur des rails. Le déplacement mécanique de la caméra permet au visiteur de comparer ce qu’il a vu avec ce que lui montre l’image à l’écran. Ce dispositif de l’œuvre montre le travail de la représentation en train de se faire et crée un effet de distanciation qui ramène le visiteur à sa propre expérience, entre réel et virtuel.
Au fond de la salle, on découvre ET/C (2004) de Peter Downsbrough. Ce film vidéo noir et blanc propose un voyage dans des espaces urbains à la fois familiers et inconnus. L’artiste souligne comment leur perception est aujourd’hui démultipliée par les nombreux déplacements, à travers des travellings ou panoramiques pris depuis une voiture ou bien des successions de plans fixes. L’espace se définit comme une suite de contextes différents et non comme une réalité totalement compréhensible à partir d’un point de vue unique.
À l’autre extrémité du centre d’art, la bande son très rythmée du film Midtown (1998) de Sarah Morris renvoie immédiatement aux films américains ou aux séries télévisées qui se déroulent dans les rues de New York. Les images sont très frontales, proches de la bidimensionnalité des peintures qu’elle réalise par ailleurs. Restant volontairement à la surface des choses, elle propose un prisme de couleurs et de lumières, ainsi qu’un étonnant ballet mécanique.
À l’étage, l’œuvre Sans titre (2003) de Didier Marcel est posée sur un pied tournant, évoquant tout à la fois la présentation d’un objet précieux ou une lampe au design contemporain. Dans cet étrange va-et-vient que l’art construit avec la réalité, Didier Marcel réalise ses œuvres à partir de ce qui fait déjà image dans le réel. La maquette de la poste de Dijon surgit dans la nuit hors de tout contexte. L’éclairage de la maquette renvoie à cette vie nocturne des villes et produit différents effets de réel de l’objet dans l’espace d’exposition mais aussi en dehors. La salle permet une perspective plongeante sur le reste de l’exposition tout autant qu’elle s’ouvre sur le parc. L’autre mezzanine présente le parcours de Lara Almarcegui dans la ville d’Amsterdam au cours duquel elle s’est attachée à constituer un guide des terrains vagues. Wastelands Map Amsterdam, Guide to the Empty Sites of Amsterdam (1999) présente ces différents lieux auxquels l’artiste s’est intéressée parce qu’ils « correspondaient pas à un tracé architectural ou urbanistique. » Elle précise : « Ces terrains qui n’ont aucune fonction précise offrent un potentiel énorme. Ce sont des espaces de liberté où tout peut arriver. » À la manière dont l’exposition joue dans le parc, l’œuvre de Lara Almarcegui rend compte de la porosité des villes et des significations de l’urbanisme.

 

Claire Legrand