EXPOSITION
DU 17 AVR. AU 20 JUIN. 1999

Les règles du jeu —
Le peintre et la contrainte

JEAN-FRANÇOIS DUBREUIL, SIMON HANTAÏ, JEAN-PHILIPPE LEMÉE, PIERRE MILOTTE, FRANÇOIS MORELLET, ROMAN OPALKA, BERNARD PIFARETTI

Commissaire : JEAN-MARC HUITOREL

Quoi qu’on dise, le regard actuel sur la peinture reste pollué par de vieilles querelles manichéennes : abstraction/figuration, lyrique/géométrique, conceptuel/rétinien, dessin/couleur voire Europe/États-Unis.
Cette exposition et, dans un balayage plus large, l’essai qui en a fourni l’occasion, voulaient proposer une manière moins dogmatique et plus transversale de voir les choses.
On y trouvait côte à côte des peintres peu coutumiers d’une telle proximité : François Morellet, Roman Opalka, Simon Hantaï. Des peintres qui appartiennent désormais à l’histoire de l’art et des artistes plus jeunes (Jean-François Dubreuil, Bernard Piffaretti, Jean-Philippe Lemée, Pierre Millote).

Ce qui les réunissait ? Le système et la contrainte, la méfiance à l’égard de l’expression personnelle et de la sensibilité affichées, un certain abandon au hasard et à l’aléatoire, parfois la délégation de la réalisation à des tiers, souvent une place notoire accordée au regardeur dans l’appropriation de l’œuvre quand ce n’est pas dans son élaboration, etc.
Ce rassemblement, à première vue hétéroclite, résultait de l’observation de cette tendance assez récurrente au cours des trente dernières années, chez des artistes pour le moins différents, où pointent des questions aussi cruciales que celles de la définition du tableau et des frontières de l’art (jusqu’où est-ce encore de la peinture ?), de la capacité des systèmes à produire de la peinture (par exemple à partir de contraintes extra-picturales et aléatoires), des rapports entre le système et l’émotion visuelle du regardeur, etc.
Chacun de ces artistes a développé une rhétorique (formelle, processuelle, parfois ludique) qui n’était pas sans rappeler (ou anticiper) la manière dont George Perec a patiemment rendu possible, grâce précisément à des systèmes contraignants, la reconstruction de son histoire dévastée et, partant, l’affirmation de son identité. Ainsi le refus de l’expressionisme et du subjectivisme ne débouche obligatoirement ni sur la géométrie gratuite et décorative ni sur la froide mécanique.

Les artistes dont il était question dans l’exposition et plus largement dans l’essai, n’épuisaient pas à eux seuls, comme on s’en doute, le questionnement de la peinture contemporaine.

Leurs démarches, chacune à sa manière, suggèrent néanmoins que, par la reprise en compte du rôle central de la méthode et du processus dans la production des œuvres, une certaine boucle (celle dominée par l’attitude romantique) est bouclée mais aussi que la liberté de l’artiste peut se trouver renforcée de la conscience des contraintes et de l’acceptation d’une part d’aléa.

 

L’exposition s’est tenue du 17 avril au 20 juin 1999, auparavant elle s’était tenue du 18 novembre au 20 décembre à l’abbaye-aux-Dames ainsi qu’au FRAC de Basse-Normandie.