Classée monument historique en 2001, l’abbaye de Corbigny appartient à la lignée des monastères bénédictins issus de la réforme de Saint-Maur. Elle en constitue une variante campagnarde dont la réalisation, entreprise le 27 septembre 1954, doit tout aux matériaux et aux techniques locales. Après bien des vicissitudes (1180, incendie, 1423, siège par les Armagnacs, 1563, sac par les Huguenots), cette abbaye, cinquième depuis la fondation, est, aujourd’hui, en travaux et au travail…

Constituée de deux ailes et d’un corps de bâtiment formant un plan en U, attribué, sans certitude, à Michel Caristie, fondateur d’une dynastie d’architectes en Morvan, cette vaste enveloppe de pierre calcaire, dorée et marbrée, est surmontée d’une tour-clocher carrée, qui couronnait la chapelle du monastère, de style grec néo-gothique, sans transept ni abside, construite dans l’aile nord.

Derrière des façades sobres et élégantes, les anciennes salles communes, cellules, escaliers et grandes galeries forment les autres espaces d’un monument resté relativement « dans son jus », en dépit des adaptations architecturales « imposées » par ses différents usages, au fil des ans et des régimes. De la confiscation des biens de l’Eglise en 1789 à l’implantation d’un collège avec internet au début des années cinquante…

Depuis 2003, le monument fait l’objet de soins attentifs de la part des partenaires du projet d’Espaces de culture du pays Nivernais – Morvan. Ainsi les toitures de l’aile Sud ont-elles été magnifiquement restaurées par une poignée d’entreprises hautement spécialisées, constituant, tout à la fois, un conservatoire de savoir-faire dépositaire des techniques traditionnelles et un vrai foyer d’innovation techniques.  Celles de l’aile Est, dont le chantier a repris en mai 2006, vont l’être dans les mois qui viennent. Dans l’enveloppe du monument, des espaces sont progressivement restaurés et ouverts au public, dans la perspective d’usages artistiques et citoyens partagés, à l’intérieur du périmètre d’un projet artistique et culturel ambitieux, développé par la Ville de Corbigny avec les compagnies Déviation, TÉATRÉPROUVÈTE, METALOVOICE et « les alentours rêveurs » et le concours du Conseil Général de la Nièvre, de la Région Bourgogne et du Ministère de la Culture (DRAC Bourgogne).

Enfin, depuis l’installation de l’office de tourisme du pays corbigeois dans le monument en juin 2005, les visiteurs du lieu peuvent admirer le beau travail des maîtres-maçons, charpentiers, stucateurs qui l’ont marqué de leur talent : la voûte à pénétration, la voûte d’arêtes, la voûte à « tranches de melon », l’ancienne salle de musique et ses stucs aériens, le magnifique escalier à volées droites, les grandes courbes de la main courante avec ses volutes de style Louis XV s’enroulant autour de larges pavots de fonte colorée…

Invité par le Centre d’art contemporain de Pougues-les-Eaux à composer, se confronter ou s’affronter avec l’un ou l’autre des espaces de ce monument d’une absolue régularité et d’une franche austérité, comme le firent, dans les « vieux quartiers », en 2005,  Etienne Bossut et Christophe Cuzin, l’artiste néerlandais Krijn De Koning a, dès sa première visite, rêvé l’espace architectural de cet escalier monumental ainsi que les voûtes à arêtes multiples de l’ancienne cuisine du monastère, récemment restaurée.

C’est un plaisir d’accueillir Krijn de Koning et ses sculptures in situ dans cette abbaye en arts. Une occasion, aussi, de saluer amicalement la communauté hollandaise qui, depuis quelques années, vit, sur ce territoire, à nos côtés.

Jean-Paul Sêtre

Chef de projet – Abbaye de Corbigny

En 2005, la collaboration entre l’Abbaye de Corbigny et le Parc Saint Léger – Centre d’art contemporain a débuté avec l’invitation de deux artistes, Christophe Cuzin et Etienne Bossut.  Ils ont investi les espaces des caves avec de nouvelles productions, joué avec le lieu, ses particularités. L’abbaye a été ainsi un territoire de création pour les artistes, et cette expérience réussie a conforté les partenaires dans le désir de prolonger cette aventure en gardant le même parti-pris. Cette année, c’est l’artiste néerlandais Krijn de Koning qui a pris possession des lieux, en s’attachant à d’autres parties de l’abbaye : la cuisine et le grand escalier. En réalité, il ne s’agit plus d’investir un espace, mais bel et bien de le transformer, d’en changer totalement l’appréhension et la perception, de conduire le visiteur à modifier radicalement son déplacement, sa déambulation.

Structure vouée à l’expérimentation artistique autant qu’à la diffusion de la création contemporaine, le Parc Saint Léger trouve dans collaboration avec l’Abbaye de Corbigny la possibilité d’allier ses deux missions ; l’espace architectural offre aux artistes une situation singulière riche de possibilités d’invention, et le public de Corbigny et de son territoire a ainsi accès à des formes artistiques nouvelles. Cette manifestation est un des éléments forts de la programmation « hors les murs » du centre d’art, programmation qui, d’année en année, devient plus diversifiée, plus abondante et permet d’inscrire l’art contemporain sur l’ensemble du territoire départemental.

Danièle Yvergniaux

Directrice – Parc Saint Léger, Centre d’art contemporain