EXPOSITION
DU 26 OCT. AU 27 NOV. 2003

Residenz

Ivo Provoost & Simona Denicolaï

Invités en résidence au Parc Saint Léger – Centre d’art contemporain, les artistes Simona Denicolaï & Ivo Provoost ont travaillé pendant deux années à la conception et à l’étude de faisabilité de Residenz. Il s’agit d’une sculpture habitable constituée d’éléments industriels vendus ou fabriqués dans la région, dont le principe est d’être à la fois une œuvre d’art inscrite dans l’espace public et un lieu d’habitation privé. « Residenz  » est l’événement par lequel tout ce travail sera rendu public, et tient autant de l’exposition que de la foire commerciale, puisque les entreprises que se sont associées à Residenz y présentent leurs produits, avec les nombreux documents, dessins, maquettes et objets réalisés par les artistes. L’histoire ne dit pas encore si l’objet sculptural Residenz prendra sa forme dans la réalité.

Simona Denicolaï & Ivo Provoost ont investi l’espace central du centre d’art en créant un univers visuel et sonore hybride, qui multiplie les glissements sémantiques et les interférences entre le champ artistique et le champ commercial, économique, industriel qu’ils ont traversés pendant la phase prospective de Residenz. La moquette au sol, les plantes vertes et l’environnement sonore rappellent les foires et les salons à vocation commerciale, sous le parrainage ironique d’un Picasso instrumentalisé par une publicité récente. Les objets industriels prêtés par les entreprises endossent tout à coup un nouveau statut dans ce lieu dévolu à l’art contemporain, tandis que les productions des artistes : vidéos, table, maquettes ou « play-mobils – maquette de principe » puisent dans le registre familier du marketing : emballages, publicité, vidéo de démonstration, pages jaunes de l’annuaire. Toutes les strates de la recherche artistique sont présentes, car chaque étape a donné lieu, au cours de ces deux années, à des productions, qui sont autant d’œuvres autonomes, mais qui, réunies ici, racontent l’histoire de Residenz, celle de la prospection et des rencontres, de la confrontation à la réalité économique locale, mais aussi des recherches formelles, plastiques, de la réflexion sociologique et politique.

Avec Residenz, Simona Denicolaï & Ivo Provoost vont largement au-delà du constat critique dont se contentent aujourd’hui beaucoup d’artistes. Ils opèrent une transformation, non seulement du regard que nous portons sur le monde économique qui nous environne, mais aussi, dans la réalité, en inventant une façon d’utiliser, de s’approprier les formes industrielles pour créer des objets et un espace à usage privé qui recycle d’une manière extrêmement poétique des matériaux et des produits banalisés, socialement dépourvus de valeur esthétique ou artistique. La maquette de l’objet sculptural Residenz est en effet un collage, un emboîtage qui synthétise en une seule forme l’espace public et l’espace privé, le monde industriel (hangar métallique, citerne) et le cocon individuel (le chalet en bois), des formes et des matériaux qui peuplent les entrées de villes et les zones industrielles et nourrissent nos regards de manière beaucoup plus permanente et efficace que les objets dits artistiques.

Simona Denicolaï & Ivo Provoost inversent le rapport de l’art au commerce en œuvre dans la publicité dont le « un, dos tres -Picasso » est l’emblème – nous pouvons chaque jour constater que le pillage de l’art par la publicité est une pratique extrêmement courante. Sans ostentation, ils construisent un travail éminemment subversif qui s’inscrit dans un tissu de relations, de glissements poétiques, et intègre tout le contexte économique et social local, mais aussi les questions qui traversent le monde de l’art aujourd’hui : la question de l’exposition, du statut de l’œuvre, de la propriété artistique.

 

Danièle Yvergniaux