EXPOSITION
DU 27 JUIN AU 5 SEPT. 2010

AMERICA DESERTA

Robert Adams, Wilfrid Almendra, Lewis Baltz, Hilla & Bernd Becher, Bernd Behr, Julien Berthier, Alain Bublex, Tacita Dean, Julien Discrit, Aurélien Froment, Peter Goin, Geert Goiris, Siobhán Hapaska, Anne-Marie Jugnet et Alain Clairet, Vincent Lamouroux, Richard Misrach, Melik Ohanian, John Pfahl, Evariste Richer, Katrin Sigurdardottir, Ettore Sottsass, Andrea Zittel
Commissaires : Etienne Bernard & Sandra Patron

En 1989, l’historien britannique de l’architecture Reyner Banham confesse son attirance irrésistible pour le désert du sud-ouest américain dans Scenes in America Deserta. Son ouvrage est le récit exalté d’une découverte de ces contrées arides livrées aux tribulations humaines, des anciens pueblos de Mesa Verde aux installations ultra-technologiques de l’US Air Force, des propositions utopiques de Paolo Soleri à la démesure de Las Vegas.

Ainsi, America Deserta, bien plus que la stricte traduction latine de « désert américain », circonscrit la condition esthétique d’un territoire identifié dans sa dimension altérée par l’Homme. C’est un lieu de projection, théâtre d’une expérience humaine particulière aux États-Unis. Ce paysage vernaculaire est défini par le sociologue et géographe américain John Brinckerhoff Jackson comme « une succession de traces, d’empreintes qui se superposent sur le sol. Le paysage est, en ce sens, comme une oeuvre d’art, la terre, le sol, la nature, étant comme des matériaux que les hommes mettent en forme selon des valeurs culturelles qui sont différentes dans le temps et dans l’espace ». Ce postulat deviendra celui d’une école photographique révélée par l’exposition « New Topographics » : photographers of a man-altered landscape au Rochester International Museum of Photography en 1975. Elle regroupait notamment les œuvres de Robert Adams, Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Franck Gohlke ou Stephen Shore.

En opposition directe et frontale à l’idéalisme transcendentaliste d’Ansel Adams ou d’Eliott Porter, chantres de l’École paysagère pictorialiste de la côte Ouest, ces artistes s’imposèrent en révisionnistes du paysage. Par l’utilisation systématique du style documentaire photographique, ils entreprirent d’opérer une relecture critique et analytique de l’iconographie paysagère traditionnelle et ainsi de mettre en exergue la relation artificielle que le regardeur entretient avec son environnement. Leur approche iconique du paysage est poursuivie au milieu des années 1980 par plusieurs photographes parmi lesquels Richard Misrach, Terry Evans ou Peter Goin, fédérés dès 1992 par le Nevada Museum of Art de Reno dans un fonds spécifique baptisé The Altered Landscape Collection.Le wilderness, valeur-refuge fondatrice de la nation américaine, fait désormais place à une nouvelle réalité tangible de l’Amérique contemporaine : le paysage altéré.

Cette nouvelle donne est le point de départ de l’exposition « AMERICA DESERTA » au Parc Saint Léger. L’exposition y réunit à la fois les images pionnières, à travers les photographies historiques de Robert Adams, Lewis Baltz, Bernd et Hilla Becher, Peter Goin ou encore John Pfahl, mais également les poursuites iconiques et filiations empiriques contemporaines. Le Man-altered Landscape, majoritairement vécu par les américains comme la faillite d’une vision romantique de leurs territoires, constitue en effet le socle iconique fascinant de propositions artistiques européennes. Ce terrain, scène privilégiée des tentatives anthropiques les plus folles, constitue pour les artistes celui de tous les possibles.

Leur approche diffère de celles développées par les Robert Smithson, Walter de Maria ou autre Michael Heizer, elle en est le résultat, la conséquence et, d’une certaine manière, l’héritage. Il s’agit moins pour l’artiste aujourd’hui de se mesurer à Mère Nature, dans une posture conquérante adoptée par les Land artists en leur temps, que de plonger dans le mythe, d’entrer dans un paysage perçu et/ou vécu comme une production esthétique.

Ainsi Mélik Ohanian, en projetant Punishment Park de Peter Watkins sur les lieux de son propre tournage, propose de rendre au territoire ce qu’il a offert à l’imaginaire collectif. Katrin Sigurdardottir emprunte une photographie emblématique du 19ème siècle pour fermer l’accès à un paysage pourtant synonyme d’infini et Geert Goiris relativise les exploits motorisés de la Bonneville Speed Week, avant lui immortalisés par Richard Misrach, à l’aune quiète des paysages scandinaves. Wilfrid Almendra, quant à lui, fige les canons d’une architecture moderniste US dans de drôles de bas-reliefs produits avec des matériaux de récupération, tandis que les sculptures d’Evariste Richer ou de Siobhán Hapaska égrainent les références visuelles pour achever de planter le décor.

Actifs sur zone, Vincent Lamouroux colonise les espaces de l’Ouest en y acheminant une forme géodésique littéralement aspirée par le paysage, quand Andrea Zittel, seule régionale de l’étape, imagine ses modules d’habitation dans leur contexte climatique hostile. Quand à Aurélien Froment, il analyse les conditions de pérennisation d’une expérience communautaire des années 1970 et Bernd Behr nous livre une version fascinante et elliptique des vestiges des zones d’essais militaires. Pour Alain Bublex, Tacita Dean ou encore Julien Discrit, ce paysage, chargé de référents blockbusters de la beat generation ou encore des fictions hollywoodiennes extatiques, se re-visite comme un horizon « scenic », c’est-à-dire « à contempler » dans le voyage, à travers la vitre de sa voiture.

L’America deserta est bel et bien une surface de projection pour alimenter le mythe, encore et encore, vers un romantisme paysager aux fondamentaux renouvelés. Et en ce sens, certains artistes vont jusqu’à s’arranger du sacrosaint site/non-site de Robert Smithson, quitte à en dépasser les strictes limites topographiques. Ettore Sottsas rêve de sud-californien depuis les décors ibériques des westerns spaghetti alors que Julien Berthier toise au Canada des constructions industrielles qu’un Lewis Baltz n’aurait certainement pas manqué de récoler.

L’exposition « AMERICA DESERTA » se veut le miroir de nos projections fantasmagoriques européennes traduites par des artistes qui poursuivent in fine l’entreprise des pionniers pictorialistes avec les armes d’une post-modernité contemplative. Conçue comme une plate-forme d’observation de ces points de vue sur le paysage, « AMERICA DESERTA » joue dans sa scénographie sur la rhétorique de l’in visu, et contextualise les oeuvres en présentant les expériences vernaculaires qui leur préexistent, qu’il s’agisse du dépassement de soi prôné par le Burning Man Festival ou des courses de vitesse des Bonneville Salt Flats, en passant par la fiction d’anticipation du côté de la zone 51.

AUTOUR DE L’EXPOSITION

CONCERT
Le jour du vernissage
TWIN TWIN sur la nouvelle scène végétale du Parc Saint Léger

Vendredi 2 juillet dès 19h30
19h30
: visite de l’exposition AMERICA DESERTA avec Étienne Bernard, commissaire de l’exposition.
21h00 : concert de jazz avec le groupe Cap Jazz et pique-nique géant dans le parc en partenariat avec l’association le LAC
23h00 : projection en plein air du film Punishment Park de Peter Watkins (1971)

PROJECTION
Vendredi 16 juillet

The Misfits, un film de John Huston (1961), dans le cadre du programme de manifestations Un air de Loire en plein air

Jeudi 26 août dès 19h30
19h30 : visite commentée de l’exposition AMERICA DESERTA
20h30 : concert de Duo Jazz Papa Fiston et pique-nique géant dans le parc en partenariat avec l’association le LAC
22h00 : projection en plein air du film Zabriskie Point de Michelangelo Antonioni (1970), en partenariat avec le festival Les Conviviales de Nannay

DOCUMENTS À TÉLÉCHARGER