EXPOSITION
DU 22 MAI AU 13 NOV. 2016

THE PROMISED LAWN

ARMAND MORIN

Au musée de Bibracte, Mont Beuvray

Dans son ouvrage consacré aux liens qu’ont entretenu, au détour des années 1960, l’art et la science-fiction1, Valérie Mavridorakis souligne l’intérêt de Robert Smithson2 pour « la grise banalité de no man’s lands sablonneux, des jungles autoroutières, des ruines urbaines »3. Lecteur assidu de James Graham Ballard, Smithson trouve dans les récits de l’auteur anglais, et plus particulièrement dans ses descriptions désolées d’un monde post-industriel, une illustration parfaite de la notion d’entropie, dont il exploita les potentialités matérielles et fictionnelles à travers ses œuvres. L’entropie, ce terme emprunté à la thermodynamique, caractérise la perte d’énergie d’un système, un effet d’autodestruction lent et progressif entraîné par un état de surchauffe. Pour l’écrivain comme pour l’artiste, cette notion devint alors, dans le contexte nébuleux de la guerre froide, métaphorique de l’effondrement menaçant toute activité humaine.

The Promised Lawn, vidéo produite par Armand Morin dans le cadre de deux résidences passées en 2015 à Bibracte et à Marfa (Texas), trouve dans le passage entropique du temps le dénominateur commun réunissant ces deux sites éloignés de 9000 km et par 2000 ans d’histoire. D’un côté, sur les hauteurs du Mont Beuvray, l’ancienne capitale des Eduens désormais recouverte de forêt est devenue chantier de fouilles archéologiques. De l’autre, en plein désert du Chihuahua, la petite ville rurale – sorte de musée à ciel ouvert4 où planent encore des souvenirs de westerns – montre les premiers stigmates du déclin économique. À l’écran, aussi étonnant que cela puisse paraître, les paysages se confondent : l’aridité texane, les roches du Morvan recouvertes de mousses, les constructions en tôle et les maquettes des villas gallo-romaines… tout converge à ériger un ailleurs fictionnel, un hors-lieu et un hors-temps hantés par la mémoire des activités de l’homme.

Générant un cadre spatio-temporel trouble, Armand Morin établit une correspondance insoupçonnée entre deux civilisations qui, d’un bout à l’autre de l’histoire, et alors qu’elles semblent au pic de leur développement, connaissent une irrémédiable chute. À l’heure où la Terre subit les conséquences de plus en plus visibles des effets de l’anthropocène5, cette « pelouse promise » que nous annonce le titre de l’œuvre interroge l’irrépressible désir de consommation de l’être humain, transformant l’idéal pavillonnaire en catastrophe planétaire.

Franck Balland

1- Art et science-fiction : La Ballard Connection, Valérie Mavridorakis (éd.), Mamco, Genève, 2011.
2- Robert Smithson (1938-1973) est un artiste majeur de l’art minimal et du land art, dont il fut le premier théoricien.
3- Ibid, p. 40.
4- Au début des années 1970, l’artiste minimal Donald Judd (1928-1994), passionné de culture mexicaine et las de la vie new-yorkaise, s’installe à Marfa et rachète d’anciens baraquements militaires qu’il transforme en atelier de production. Quelques-uns des artistes majeurs de l’art minimal comme Carl André ou Dan Flavin y ont conçu des installations spécifiques. Depuis 1986, la Chinati Foundation gère le site en tant que musée et résidence d’artistes.
5- L’anthropocène caractérise l’époque de la Terre qui a débuté lorsque les activités humaines ont commencé à impacter significativement l’écosystème terrestre. Des termes comme « capitalocène » ou « occidentalocène » sont dernièrement venus davantage préciser cette période.

INFOS PRATIQUES

INAUGURATION DE L’ŒUVRE
samedi 21 mai 2016, à 20h30

À l’occasion de la Nuit européenne des musées

LIEUX
Musée de Bibracte
Mont Beuvray, 71990 – Saint-Léger-sous-Beuvray